De la délinquance bancaire !!
La Télévision tunisienne a surpris son public à la mi-juin. Dans son émission « Mindhar », elle passa le témoignage d’un immigré tunisien que l’Arab Tunisian Bank (ATB), le pendant d’une banque jordanienne en Tunisie, a dépouillé des économies de vingt ans de travail à l’étranger. La même histoire qui a tant ému le public tunisien et la Banque Centrale de Tunisie, a été reprise par la presse écrite de la place. Pour redorer son image dangereusement ternie par les péripéties de ces escroqueries étalées pour la première fois au grand jour, la banque a publié cette annonce publicitaire afin de reconstituer son capital de confiance, dilapidé par un personnel d’une incompétence déconcertante, confiance largement entamée, en particulier auprès des travailleurs tunisiens à l’étranger qu’elle considère toujours comme sa cible ou son gibier de prédilection. Parallèlement, et par téléphone, certains de ses « communicateurs » ont adressé des menaces et des propos intimidants aux journaux qui ont osé parler de l’affaire en donnant la parole à la victime. Chose curieuse, la télévision nationale n’a pas reçu d’appel.
Voici le texte de l’annonce qui a suscité notre curiosité, tel que paru dans « La Presse Magazine » du 15 juillet 2007, soit quelques jours après l’éclatement du scandale dans les médias:
« Ensemble, tournons la page. Profitez de l’amnistie de change pour vos avoirs à l’étranger (espèces, soldes en compte, biens immobiliers, actions, ect.).
Ouvrez auprès de l’ATB des comptes en devises ou en dinars convertibles pour loger vos avoirs en devises (en espèces ou par virements de l’étranger).
Utilisez-les librement en Tunisie ou à l’étranger.
Nous consulter pour rémunérer vos avoirs.
La loi vous assure :
- La confidentialité totale.
- La non utilisation des informations collectées pour un quelconque autre motif.
- L’ATB : Des professionnels à l’écoute !
Commençons d’abord par une brève étude de texte comme en font quotidiennement les mômes à l’école.
Quels sont les mots dominants dans ce texte ?
« Tournons la page – amnistie – loger – espèce – virement – librement – rémunérer – confidentialité – informations collectées - motif – professionnels – écoute ». Un lexique d’autant plus surprenant qu’il émane, de l’avis de tout profane et de toute bonne âme, du registre des organisations criminelles et crapuleuses qui parsèment et sillonnent la planète, et qu’il est signé dans ce contexte, et payé même, par une banque de la place, laquelle a pignon sur rue, et se présente, de par son chapitre « communication », comme l’un des meilleurs clients qui n’ont de cesse de bombarder, à coups de petits encarts à peine visibles, tous les supports publicitaires de Tunisie.
Le contenu de l’annonce n’a rien de si malfaisant. Ce qui fait hic, c’est la formulation. D’autant plus que ce « produit publicitaire » est dédié exclusivement au racolage d’une clientèle tunisienne immigrée ou carrément étrangère, à la présence saisonnière et éphémère (Ladite annonce est parue le 15 juillet 2007, un dimanche de haute saison).
Peut-on accoster un client que l’on ne connaît pas encore avec des termes du genre « Tournons la page » ? Ce qui insinue, signifie même que l’offre objet de l’annonce se propose de corriger un passé, un tort accompli (par le client sur la banque, ce qui relève des grands signes du jour du Jugement Dernier, ou de la banque sur la personne et les « avoirs » d’un client non avisé et dont on abusé, ce qui sera ci-après le plus plausible) ?
Un frisson de doute parcourt le lecteur quant à cette invitation « à un bonheur qui prononce son arrière-goût avant sa saveur ».
La deuxième ligne, elle, apporte un éclairage au gouffre sémantique qui se prépare : Profitez de l’amnistie de change ! Cette fois-ci, l’Arab Tunisian Bank vous invite chez elle en vous promettant l’amnistie, et en vous accusant d’un forfait que vous auriez doublement accompli.
La page, la votre fatalement en l’occurrence, est si lourde qu’elle nécessite, vos mains et ceux que l’ATB vous offre pour la tourner !
Un terme de très mauvais augure et qui, dans un contexte de racolage commercial ne peut être que suspect. L’annonce est payée donc par ces génies du placement et des jeux en bourse, afin de vous transmettre, cher client, coupable en puissance, un brin de stress, une charge de tension, dans le but de paralyser en vous toute faculté critique. Ne vous affolez pas pour autant, voici un anesthésique que vous a choisi l’éminence grise de la communication à l’ère numérique que l’ATB semble vivre mal : cette lapalissade pour le moins burlesque : La banque vous « permet », moyennant la loi nouvelle, d’utiliser « vos avoirs » librement, en Tunisie comme à l’étranger. Un élan stylistique qui, par sa platitude, laisse rêveur. Là, la banque aura tout expliqué : l’amnistie, la liberté, l’autodétermination et tout le reste. Pour la rémunération de votre dépôt, la consulter tout simplement. Voici ce qu’elle vous propose le cas échéant : rémunérer vos dépôts à hauteur de TMM+ 2, et en même temps rémunérer la banque sur vos retraits en facilité de caisse à raison de TMM+4 ou5. Ainsi, et à plus ou moins brève échéance, vous finirez par « vivre mieux » sans votre argent. C’est exactement le nœud du scandale de cette banque qui a défrayé les médias. Elle vous invite tout simplement à oublier qu’avant la loi, la banque ne permettait rien de tout ce que promet l’annonce. En filigrane, elle reconnaît que ses pratiques n’étaient pas très « catholiques », bien qu’elle les faisait bel et bien, demandez-en aux dizaines de victimes de l’ATB Bank parmi nos concitoyens et nos immigrés, éplumés en un tour demain, par un chef d’agence ATB qui n’a pas son certificat d’études primaires en poche (ils exercent encore et toujours !). Elle dit très mal, en fait, que la loi en question fut promulguée après que des centaines de citoyens, immigrés et résidents, eurent été spoliés des économies de toute leur carrière suante et chiante, et ce grâce à des plantons promus chefs d’agences, avec moins que le baccalauréat, et plus d’autosatisfaction, d’arrogance, de népotisme, de corruption, de primes à chaque escroquerie, et à chaque paquet de makroudh de Kairouan et autres « cookies » qu’ils présentent, en signe d’allégeance religieuse à leur ventru PDG, et dont ce dernier agrémente ses siestes éternelles, au cours desquelles il ne reçoit pas de « petites gens », entendez petits épargnants, galeux et perdus dans le labyrinthe des pratiques douteuses et suspectes, et autres « simulations » que l’ATB attribue à sa Sainteté l’ordinateur, qu’elle dit préprogrammé (Par qui ? Et pourquoi ?), à des gens dont le seul tort fut de croire à la communication de cette boutique intemporelle jerbieno-marsoise.
Des pratiques par lesquelles « L’ArabTunisian bank » se joue publiquement de l’Etat, de ses ressortissants, de ses deniers et de ses lois, et s’apprête même à exporter ses nuisances outre frontière (voire l’annonce). Le tout, dans une omerta qui fait pâlir les plus invétérés des dealers de quartiers. Des pratiques en dehors du temps, à l’aide d’une poignée d’hommes de confiance (entendez hommes de main en col blanc), s’auto-déclarant investis d’une mission sacrée, celle de « gérer l’argent du contribuable tunisien via une succursale de banque jordanienne ». Une phrase reprise à tous les étages du building de la Rue Jean Jaurès (Que Dieu ait son âme dans son infinie miséricorde), et de la hiérarchie, telle une formule magique, un élixir sortant tout droit des fables d’ « Ali Baba et les quarante voleurs ». Sans compter le lot d’intimidations, franches et insinuées, à coup de phrases polysémiques et assassines, telles que « C’est grave » qu’un agent du service juridique vous balance en pleine figure dès que vous lui faite part d’un pot au roses (document falsifié par exemple par le chef d’agence). En effet, qu’est ce qui est grave ? La falsification ou sa réclamation. Demandez- leur et ils vous le diront en chœur : La réclamation !
Pourtant, la falsification est patente. Puisque le chef d’agence la revendique haut et fort, en guise de vengeance, parce que le client tergiverse à lui « verser de l’huile ».
Ainsi, et pour avoir fait confiance à une telle « institution », vous vous trouvez, grâce à votre argent, devant non plus un banquier affable, mais un inquisiteur de la pire espèce. A la barbe et au nez des dizaines de milliers de jeunes diplômés, toutes disciplines comprises, que l’Etat peine toujours à caser, à coups de gratifications et de primes de mise à niveau qui ont servi à « entretenir » un personnel d’un autre temps, qui assimile encore le clavier de l’ordinateur à une hérésie dont l’approche nécessite « les grandes ablutions ». Un personnel dont le « rédacteur » de l’annonce naturellement.
Avec les termes de « confidentialité » et de « non utilisation » des informations « collectées » (sur qui, sur quoi, en vertu de quoi, et pourquoi ?), l’ATB a marqué l’histoire du banking tunisien d’un sceau pas franchement heureux. Puisque l’interprétation « très savante » de la loi, et l’usage qu’elle en fait, peuvent se résumer vulgairement en une phrase plus grave que le mal que cette entreprise continue d’infliger à ses victimes, à quelques pas de la Banque Centrale: « Venez ! Notre pays, ce n’est plus la Tunisie, c’est désormais les îles Cayman ! ». A cette différence près : C’est que nous sommes libres d’interpréter les textes des jugements des tribunaux tunisiens comme il plairait à M Mohamed Farid Ben Tanfous, le PDG qui doit sa place à ses frasques de saoulard qui avaient coûté des fortunes à la Banque Nationale Agricole (publique) quelques années auparavant, lesquelles l’ont promu sbire chez les Choumann de Jordanie. Une affaire de famille ou l’enfant prodigue fut repêché par ses cousins…membres influents du conseil d’administration de l’ATB.
La catégorie-cible (la métaphore convient à merveille au contexte martial de l’annonce!) ne peut être que l’argent de pauvres travailleurs honnêtes… ou de mafieux en mal d’asile.
Du banditisme bancaire qui ne dit pas son nom, et sur lequel nous allons mettre des mots. On citera aussi des noms, des CV, et des épisodes rocambolesques qui ne manqueront pas de nous convaincre, nous, commun des mortels, que l’habit ne fait pas le moine.
Au prochain épisode donc, car ceci n’est que l’arbre. La forêt, elle, c’est pour bientôt sur ces mêmes colonnes. Documents à l’appui. Nous exposerons au menu détail comment une demande de crédit auprès de l’ATB peut ruiner une famille d’immigré, et la réduire à néant. Une histoire très édifiante sur la qualité humaine de cette organisation de malfaiteurs tunisiens désormais « internationaux ».
Miled Jahine